0 avis
La nuit de noces comme cause de la séparation conjugale (second XIXe siècle, France)
Article | Annales de démographie historique | 140 | 2 | 2021-03-24 | p. 195-226 | 0066-2062
En France, durant la seconde moitié du xixe siècle, les premiers moments du mariage sont fréquemment associés dans l’imaginaire collectif aux joies de la lune de miel ; mais ils peuvent aussi, à l’inverse, être décrits comme la source de problèmes insurmontables qui conduisent les époux à la séparation, voire au divorce comme la loi les y autorise à partir de 1884. La première nuit du mariage devient ainsi un enjeu dans les récits sur la désunion des couples. En s’appuyant sur des études médicales, des essais, des écrits fictionnels et des archives judiciaires qui évoquent le lien surprenant de cause à effet entre ce qui se déroule pendant la nuit de noces et la fin de l’union conjugale, cet article s’intéresse aux conditions législatives et culturelles de production des témoignages sur la nuit de noces, qui à cette période évoquent presque toujours des expériences malheureuses. Il montre que l’échec de la nuit de noces peut être présenté comme l’élément déclencheur précoce de la mésentente conjugale : cette stratégie est employée par des époux afin que leur demande de séparation aboutisse plus facilement, au civil comme au religieux. Deux configurations nuptiales sont privilégiées dans les témoignages : la non-consommation du mariage, ainsi que les violences conjugales, physiques ou morales, exercées dès la première nuit à l’encontre du conjoint.