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Le temps compté de l’Anthropocène
Article | Revue française d'éthique appliquée | 10 | 2 | 2021-01-21 | p. 42-56 | 2494-5757
L’Anthropocène pourrait être une « fin des temps » pour l’humanité. Tout s’accélère, tout se dégrade, et l’avenir se referme devant nous. Faudrait-il un bond en avant, comme l’espère un certain prométhéisme, par le recours à une maîtrise technique des effets de nos activités sur la biosphère ? Nous n’y parviendrons pas à temps. Dans l’impuissance, n’est-il pas humain d’éviter de porter son regard trop loin, et d’essayer de se distraire tant qu’on le peut ? Mais c’est encore faire le jeu d’une société de consommation hautement destructrice, et débilitante. Nous pouvons espérer mieux, beaucoup mieux. Privés certes d’un certain avenir, avenir sous le signe de la surenchère et de l’illimitation, nous sommes invités à faire avec de nouvelles contraintes. Mais toute contrainte n’est pas une perte. Elle peut aussi permettre de trouver sa place au sein d’un monde plus grand que nous, au sein d’une nature encore susceptible de nous abriter. Un autre avenir est possible, rythmé par les jours et les nuits, par les saisons, par les morts et les naissances, un avenir aussi ouvert, non planifié, qui puisse nous donner un sentiment d’éternité et nous rendre vaine la consommation, et véritablement intolérable la destruction du temps de celles et ceux qui viennent encore au monde.